Sonia Backès : "Le phénomène sectaire a énormément évolué, et on ne le mesure pas encore bien"
France Inter. Mathilde Munoz. Le 5-7. Il est 6h20 pour la première fois en France. Les sectes font l'objet d'assises nationales, deux jours de discussion organisés aujourd'hui et demain au ministère de l'Intérieur. Bonjour Sonia Bacchès. Bonjour.
Vous êtes la secrétaire d'Etat chargée de la citoyenneté. C'est vous qui gérise dossier au gouvernement et qui allez ouvrir ces assises ce matin. On vous a reçu en novembre dernier au moment où la mi-vilue de l'organisme antissexte du gouvernement publie ses derniers chiffres sur les dérives sectaires chiffrant hausse. Maintenant c'est le moment de l'action. Oui c'est ça. On a eu une grosse alerte avec ces chiffres que j'ai eu l'occasion d'évoquer, une explosion du nombre de signalements. Et donc maintenant la question c'est qu'est-ce qu'on doit faire.
Donc c'est deux journées d'assises. C'est une première journée pour avoir un état des lieux précis. Quelle est la situation? On sait très bien que ces signalements c'est sans doute la partie émergée de l'iceberg. Donc comment on fait pour avoir un état des lieux le plus précis possible? Première journée et puis deuxième journée. Maintenant quelle plan d'action on met en place? Mais on a besoin de ces assises. Le constat il n'est pas connu déjà? Oui on a besoin de ces assises parce qu'en fait le phénomène sectaire a énormément évolué et on ne le mesure pas encore bien. On voit bien qu'il y a des nouvelles pratiques avec notamment toutes les pratiques alternatives en matière de santé qui ont explosé suite au Covid.
On le subodore, on le voit, on commence à avoir quelques signalements. Mais on voit bien que les signalements à la mi-vilute c'est un formulaire à remplir sur internet. Donc on sait bien qu'on ne voit pas tout avec ces signalements là et donc on a besoin d'avoir un état des lieux précis. Justement des signalements il y en a eu 4000 en 2021 en hausse de 33% en un an. Il y a 140 000 personnes qui sont victimes de dérives sectaires d'après l'office central contre la répression des violences aux personnes. 4000 signalements, 140 000 victimes. Comment on fait pour favoriser les signalements et pour aider ces personnes? Parce qu'il y a deux choses à régler.
Vous annoncez un nombre de victimes connues. On imagine que c'est beaucoup plus. C'est sans doute dans le rapport qui avait été fait au Sénat, autour de 500 000 il y a quelques années. Donc aujourd'hui on est sans doute à bien plus. Quand on regarde dans nos entourages respectifs, souvent on connaît quelqu'un qui. Donc c'est quand même extrêmement inquiétant. Et donc on voit bien qu'on n'a pas de visibilité.
Parce qu'en fait aujourd'hui si vous avez quelqu'un de votre entourage qui est touché, vous savez pas exactement quoi faire. Et c'est ça la réponse qu'on doit apporter. En fait il y a plusieurs parties. D'abord quand on est rentré dans une organisation à caractère sectaire, c'est très difficile d'en sortir. Donc il faut qu'on essaye d'agir le plus possible en amont. Comment on fait pour que les victimes potentielles se disent au moment où on leur promet un miracle, où on leur promet finalement de régler tout leur problème. Comment on se dit non il faut que je sois vigilant, il faut que je fasse attention, est-ce que c'est pas un charlatan, est-ce que c'est pas un gourou? Donc le premier objectif c'est la prévention.
Et je crois que c'est sans doute le plus gros travail qu'on a à faire. Aujourd'hui c'est pas normal que dès qu'on voit une vidéo sur internet nous promettant la guérison, nous promettant ça ou. Et donc si vous aviez tous les moyens possibles, qu'est-ce que vous auriez envie de mettre en place justement pour développer cette prévention contre les sectes? Plein de choses. Alors d'abord ça passe par la communication et d'ailleurs je vous remercie d'abord de traiter le sujet, de reprise et de continuer à le traiter. La prévention, enfin la communication en quel sens? Dans le sens où quand on voit une vidéo comme ça, ou une annonce comme ça, on se dit « Ah bah tiens j'ai vu à la télé, à la radio, j'ai entendu une victime dire qu'elle s'était fait avoir dans quelque chose de similaire. Et là il y a quelque chose qui se déclenche et qui dit on est vigilant. Ça c'est évidemment la première chose.
Vous savez dire que vous allez développer une campagne de communication? Ça fait partie des propositions qu'on fera demain puisque c'est l'objectif du plan d'action de dérouler ces actions. Il y a autre chose aussi, c'est l'éducation à l'information. Aujourd'hui malheureusement toute une génération un peu plus jeune que moi qui finalement regarde l'information quasiment exclusivement sur les réseaux sociaux et arrive de la même manière des informations vérifiées, de médias traditionnels et puis n'importe quelle communication de n'importe qui. Et je pense qu'il manque une éducation à l'information sans doute au niveau scolaire, au niveau éducatif. Comment on fait pour avoir une vigilance? Il y a énormément de choses à faire en termes de surveillance. Ça veut dire qu'il faut aussi former davantage? Oui, il faut former davantage. Communiquer, former et donc pour aider les personnes qui sont malheureusement déjà sous-emprise on fait comment? Il était question de créer un numéro vert pour recueillir les signalements, est-ce que ça va être fait? Vous savez les numéros verts c'est pas la solution magique à tout.
Mais là en l'occurrence. Mais c'est plus simple que de vous le dire tout à l'heure, les signalements il faut un formulaire, c'est compliqué. C'est très compliqué. Il faut quand même, quand on voit et encore une fois, j'ai vu comment ça se passait, quand on a quelqu'un de son entourage qui est concerné, on est complètement démuni, on sait pas quoi faire. Je fais une petite parenthèse, vous dites que vous étiez concerné parce que votre maman, voilà. Oui, ma maman qui était dedans et c'est vrai qu'on est complètement démuni. Donc là l'idée c'est comment on alerte finalement.
Donc il y a effectivement, on va sans doute mettre en place, on va proposer de mettre en place un lien avec France Victime qui gère déjà d'autres victimes, une capacité d'alerte par un numéro. Mais c'est aussi, encore une fois, c'est à l'école, c'est dans l'entreprise, quand on constate quelqu'un qui est en train de se séparer de sa famille, qui est en train de faire de s'isoler, de faire des choix qui paraissent étranges, à qui on le signale, comment on le signale. Et ça, moi j'appelle ça les gestes qui sauvent. C'est les gestes qui sauvent, c'est à la fois quelqu'un qui a des difficultés à respirer, qui fait un arrêt cardiaque, mais c'est aussi quelqu'un qui s'isole, qui arrête son traitement, qui c'est aussi quelqu'un qui a un difficulté, et quand c'est son entourage, comment on fait pour le signaler. Donc ça c'est pour l'aide aux victimes, je crois qu'il y a un énorme tissu associatif, il faut qu'on les aide plus, il faut qu'on les organise mieux. Aujourd'hui ce sont les associations qui sont vraiment au cœur de la lutte contre les sectes. Oui c'est elles qui sont capables d'accompagner les victimes.
Et puis après il y a toute la partie enquête, c'est-à-dire que le but c'est pas seulement d'accompagner les victimes pour qu'elles s'en sortent, c'est aussi d'arrêter les charlatans les gros. Alors justement à ce sujet, il n'y a pas de définition juridique de la notion de secte en France. Si il n'y a pas de définition, ça veut dire qu'il n'y a pas de législation spécifique anti-secte? Si il y a une législation, il y a une loi qui est la loi Abou Picard, qui a été prise en 2021, qui en fait qualifie le phénomène d'emprise finalement. Comment finalement l'emprise psychologique se met en place, et c'est ça qui permet de caractériser, et donc d'avoir des sanctions sur ces personnes. Il y a beaucoup de gourous qui sont arrêtés, condamnés. Il y en a pas mal, heureusement. Mais c'est encore un peu long, un peu lourd à vérifier.
Le phénomène d'emprise, il n'est pas simple à vérifier. Mais il y a des gourous, on a eu un gourou qui se faisait appeler Zeus, qui a été condamné à 18 ans de prison. On en a là qui sont mis en examen parce qu'il y a des personnes qui ont jeûné pendant plusieurs jours et qui ont arrêté leur traitement, qui sont décédés, donc une personne qui est poursuivie en ce moment. On a régulièrement des affaires heureusement, mais sans doute nous manquent-ils quelques outils. Est-ce qu'il existe une coopération européenne en matière de lutte contre les sectes? Est-ce que c'est quelque chose que vous voulez développer? Oui, il existe des choses, mais à mon sens, là aussi, pas assez. On a une commission spécifique qui est demain, dans le cadre de la l'élaboration du plan d'action. On a une commission spécifique sur la question européenne.
Pour plusieurs raisons, d'abord parce qu'effectivement, les personnes qui les gourou, les charlatans, ne sont pas uniquement en France, ils se positionnent un peu partout, donc on a besoin de cette coopération. Et ensuite, parce qu'on a besoin de travailler avec les plateformes, les réseaux sociaux, les plateformes, les algorithmes font que quand on commence à s'intéresser à un sujet, on ne voit plus que ce sujet-là, donc on a besoin d'alerter les personnes. Mais le problème, c'est que tous les pays n'ont pas la même définition de ce qu'est une secte. Il y a des organismes qui sont peut-être interdits en France, mais autorisés ailleurs. Ça aussi, ça fait partie d'une et du problème? Non, parce que la question n'est pas une question d'interdire, ou pas effectivement, c'est propre à chaque pays. Mais si on prend la question, par exemple, des plateformes, des plateformes de réseaux sociaux, si on veut que les plateformes puissent avoir un système d'alerts pour enlever des contenus, quand ces contenus sont dangereux, il faut qu'on le fasse à l'échelle européenne. Merci Sonia Bacca, secrétaire d'État chargé de la Citoyenneté.
Et ce matin, vous allez ouvrir les assises nationales, premières assises nationales sur la lutte contre les dérives sectaires.
9 Mars 2023, France Inter, L'invité de 6h20, Mathilde Munos, Politique, Sonia Backès