L'ambassadeur de France sommé de quitter le Niger

Feature Image

Sommaire:

  • Le président nigerien élu Mohammed Bazoum est renversé par des poutchistes, accentuant la pression sur la France.
  • L'ambassadeur de France est sommé de quitter le Niger sous la tension croissante.
  • La situation complexe se déroule entre la France et le Niger, avec des déclarations hostiles et des tensions.
  • La diplomatie française est mise en question, mais l'expert souligne que c'est davantage un échec des pays du Sahel.
  • La France perd de l'influence dans la région, mais elle défend ses principes et le maintien de la démocratie.


Dès il y a un mois, jour pour jour, le 26 juillet, le président nigerien élu Mohammed Bazoum était renversé par des poutchistes. Il est toujours retenu prisonnier chez lui à Nyamé. Les militaires accentuent la pression, l'ambassadeur de France est sommé de quitter le pays d'ici demain dimanche.


Nicolas Normand, bonsoir. Vous êtes ancien ambassadeur de France au Mali, au Sénégal, au Congo, auteur du grand livre de l'Afrique aux éditions Hérole. La situation est un peu compliquée pour votre homologue, Sylvain Ité, au Niger. Donc, les poutchistes veulent son départ.

Paris dit non, que peut-il faire ? Alors, il ne va rien se passer dans les médias puisque. Il ne va rien se passer dans les médias puisque l'ambassadeur ne va pas partir et les poutchistes ne vont pas l'emmener de force non plus à l'aéroport. Donc, simplement, la tension monte d'un cran entre la France et le Niger, alors que la tension était déjà forte puisque nous sommes l'ancienne puissance coloniale, nous sommes le principal partenaire, dont nous sommes accusés de tout ce qui va mal dans ce pays, nous sommes devenus le bouc émissaire. Et donc, en plus, la France, ça fait des déclarations assez hostiles aux poutchistes, plus que nos principaux partenaires, plus que les Allemands, les Anglais et que les Américains. Et donc, c'est une surenchère un petit peu qui se produit entre la France et le Niger. Oui. Et cette situation, cette situation ne se débloquera que lorsque la situation des deux présidents sera clarifiée.

Il y a un président légal qui est emprisonné et il y a un président de fait qui est poutchiste. Nous, nous n'obéissons qu'au président légal qui refuse d'émissionner. Donc, pour vous, rien ne va se passer. Mais pourquoi cette tension s'accrue encore ? Parce qu'au début, effectivement, Paris a soutenu notamment une intervention militaire de la CDAO. Mais pour l'heure, on avait l'impression que la diplomatie était en marche. Paris était plutôt en retrait. Qu'est-ce qu'il peut expliquer que le ton monte encore une fois ? Ben, Paris n'était pas en retrait, en réalité.

C'est-à-dire que les autres partenaires du Niger ont adopté plutôt un profil bas, alors que Paris a continué de faire des déclarations assez hostiles. Alors même que nous avons, comme je le disais, une spécificité. Nous sommes beaucoup plus dans le viseur, dans le collimateur que les autres partenaires du Niger. Donc, la sagesse peut-être aurait voulu que nous soyons plus discrets, mais ce n'a pas été le cas. Et donc, nous sommes le seul pays à voir notre ambassade exclue, enfin expulsée en principe. Nous refusons donc cette expulsion, et donc il y a une tension qui augmente entre la France et le Niger. Probablement, il va y avoir des manifestants qui vont aller devant le camp militaire, par exemple, pour exiger le départ des militaires français, qui a été demandé aussi.

Oui, effectivement, il y a eu une manifestation hier pour exiger ce départ des troupes françaises. Et en ce moment même, une manifestation en soutien aux Poutistes. C'est vraiment un échec de la politique française, de la diplomatie française au Sahel aujourd'hui ? Alors moi, je ne le vois pas comme un échec de la diplomatie française, parce que c'est en fait plutôt un échec des pays du Sahel, n'est-ce pas, et qui se retourne contre leur principal partenaire. Donc, à la limite, la France n'est pas responsable de cette tension qui existe, parce que nous ne sommes pas responsables de la dégradation de la situation. Mais c'est vrai que nous n'avons pas apporté la solution que peut-être les populations attendaient, parce que la France n'a pas de baguette magique, évidemment, pour résoudre les problèmes des pays du Sahel. Mais cela explique quand même le mécontentement, l'insatisfaction de la population, qui se retourne contre le principal partenaire, celui qui est le plus visible, celui dont on attendait la solution qui n'est pas venue. Et en plus, le pouvoir poutchiste cherche une légitimité en s'appuyant sur ce ressentiment anti-français.

Donc, il exacerbe ce ressentiment anti-français. Les Russes de leur côté aussi. Et donc, on observe effectivement que la France est dans le collimateur, ce qui n'est pas le cas des autres pays européens ou des États-Unis. Oui, mais la France, en fait, elle perd son influence de fait. Là, on voit que ce sont les États-Unis qui discutent avec les Nigeriens. C'est la France, vous l'avez bien expliqué, qui est sommée de partir. C'est-à-dire qu'on va perdre totalement notre influence, notre importance en Afrique.

Alors, je crois que c'est une question qui ne se pose pas de cette manière. Parce que nous, nous sommes là pour aider les pays qui le souhaitent. On n'est pas là pour les influencer et les dominer. Ça, ce serait une approche néocoloniale qui n'est pas l'approche de la diplomatie française. D'ailleurs, on voit bien que la France ne cherche pas à rester à tout prix dans ces pays. Sinon, elle serait accommodante avec les nouvelles autorités. Donc, la France, au contraire, défend des principes, défend le maintien de la démocratie, plus que la lutte contre les djihadistes, finalement, contrairement aux États-Unis, qui font passer peut-être leurs intérêts avant leurs principes dans cette affaire.

Donc, on ne cherche pas à rester à tout prix. On est disponible pour aider les pays qui le souhaitent. Il se trouve qu'il y a un ressentiment anti-français pour les raisons que j'ai expliquées. Le passé néocolonial, le passé colonial, la tutelle ressentie par la France, etc. Donc, il faut prendre acte de cette situation et ne pas chercher à s'imposer. Merci Nicolas Normand pour ce décryptage. En direct dans 64 minutes.


Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne