Fusion ASN/IRSN: "Une méconnaissance grave de l’organisation de la sûreté nucléaire" dit C.Birraux)
L'organisation qui est prévue me paraît recélérer une méconnissance grave de l'organisation de la sûreté nucléaire. La sûreté nucléaire, ce n'est pas un Irvana que l'on atteint un jour en disant « ça y est, j'ai atteint la sûreté nucléaire ». La sûreté nucléaire, c'est un combat de tous les jours. Et lorsque j'en rencontrais les organisations syndicales, elle me disait « nous sommes, nous, les travailleurs du nucléaire ». D'ailleurs, M. le Président, vous auriez peut-être pu aussi inviter les organisations syndicales à s'exprimer. Et les travailleurs du nucléaire, ce ne sont pas des travailleurs comme les autres.
Et la sûreté nucléaire, elle se nourrit de quoi? Elle se nourrit de la confrontation entre l'expertise, la recherche, l'autorité de sûreté nucléaire. Et c'est de cette confrontation-là que va naître, tous les jours, la sûreté nucléaire. On ne l'atteint pas une fois pour toute. Elle se fonde sur la recherche. Et elle se nourrit de la recherche. Et aujourd'hui, si la recherche devait partir au CEA, ça me paraîtrait quelque chose d'extrêmement grave. Pourquoi? Parce qu'on serait dans une sorte de confusion des genres.
Confusion des genres, parce que l'autorité de sûreté, elle a aussi autorité sur les installations du CEA. Or, comment juger de la sûreté d'une nouvelle installation, si la recherche sur laquelle s'appuiera son expertise est faite au CEA? Ça me paraît être une confusion des genres qui est fortement préjudiciable à l'organisation même de la sûreté. Et l'autre chose qui me paraît importante, le nucléaire aujourd'hui a un certain regain d'intérêt, compte tenu de la crise énergétique. Il y a une confiance du public qui a été difficile à obtenir, parce qu'il y a 40 ans, on disait, c'est tous les mêmes. Le gouvernement, le ministère de l'Industrie, ce qu'on appelait le ZINZIN, l'IPSN, le CEA, c'est les mêmes. EDF, on ne peut pas avoir confiance. Tout le travail de toutes ces années, sous l'impulsion de l'Office parlementaire et d'autres, a été de séparer les fonctions d'expertise de recherche et de régulation administrative.
Aujourd'hui, imaginez une installation de recherche du CEA sur laquelle la SN doit se proposer, prononcer. Elle va faire appel à ses experts, ou est-ce qu'elle a le service de recherche qui pourra la conseiller, puisqu'elle n'aura plus de recherche. Elle va la prendre au CEA et va être juge et partie. Et ça, c'est un recul que vous ne me jurez pas, mais c'est un recul de 40 ans. Et je crois qu'il ne faut pas rompre brutalement, casser cette confiance qui, au fil du temps, s'est nouée sur l'organisation actuelle. L'IRSN a aussi un rôle important vis-à-vis de la société civile, avec le Conseil d'orientation de la recherche qui regroupe avec l'interface société scientifique pour construire un certain nombre de choses. Si tout cela disparaît, c'est la confiance qui va disparaître et la suspicion qui va nourrir à nouveau le doute chez nos concitoyens.
Donc il ne faudrait pas qu'en voulant aller vite, on se heurte ensuite à une opposition de plus en plus vénement et de plus en plus forte, parce que cela serait contre-productif. Chacun sait ici ce que cela veut dire, mais au véritable sens, c'est-à-dire contre l'intérêt et contre la marche normale d'un système de recherche. J'ai bien connu l'IRSN. L'IRSN était un être extrêmement lourd. On ne pouvait pas rencontrer les commissaires ensemble. On ne pouvait pas les rencontrer deux par deux. Il fallait les rencontrer individuellement.
Et la seule fois où j'ai pu les voir quatre sur cinq, c'est dans un déjeuner où le président Richard Mezerv m'avait invité. Donc on est toujours dans ce système administratif. Il y a quelque chose qui marche bien. Je pense que la fluidité marche. Il n'est peut-être pas nécessaire de tout casser. Bien, merci chers collègues pour cette expression qui a le mérite d'être clair.
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